Port-au-Prince, juin 2025 – Alors que les routes haïtiennes sont devenues des pièges mortels sous le contrôle des gangs, le gouvernement haïtien et Sunrise Airways ont conclu un accord pour relancer les vols domestiques. Mais loin d’apporter un soulagement, cette initiative se transforme en scandale : les billets d’avion sont désormais inaccessibles pour la majorité des Haïtiens.
un espoir volé à prix d’or
Face à une crise de mobilité, le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé a signé le 5 juin 2025 un protocole avec Sunrise Airways pour reprendre les vols entre Port-au-Prince, Cap-Haïtien et Les Cayes dès le 12 juin. L’ambition ? Offrir une alternative aux déplacements terrestres devenus trop dangereux. Pourtant, dès le lancement, la suspension d’un soulagement devenu hors de portée pour la population a été dénoncée comme un véritable scandale.
Tarifs à couper le souffle
Les prix ont explosé de manière astronomique. Un aller simple entre Cap-Haïtien et Port-au-Prince est passé à 215 USD, tandis que celui entre Cap-Haïtien et Les Cayes atteint 240 USD. Ces montants sont jugés excessifs, sachant que les tarifs d’avant suspension se situaient plutôt entre 120 et 140 USD.
Malgré un fonds de garantie de 11 millions de dollars, mis en place par l’État pour soutenir la reprise aérienne, les tarifs restent inabordables. L’aide devait précisément assurer l’accessibilité, mais n’a pas eu l’effet escompté dans la réalité
Colère d’un passager : la voix du public
Un voyageur, Alexandre Baptiste, a partagé son indignation après avoir payé 243,50 USD pour un vol de 25 minutes :
Je ne vois rien qui justifie un tel prix pour un vol si court. L’État devrait intervenir et réguler les prix. Nous, les consommateurs, sommes victimes si cela ne change pas.
Cette frustration est largement partagée sur les réseaux et les forums : certains évoquent même des billets à plus de $1 000 pour un vol Cap-Haïtien–Miami, ou des vols charters entre 800 et 1 200 dollars — clairement hors de portée pour la majorité.
Sunrise Airways répond – mais sans convaincre
Le président de Sunrise Airways, Philippe Bayard, défend la politique tarifaire en invoquant des coûts opérationnels élevés : primes d’assurance, sécurité, carburant cher, maintenance dans un environnement hostile. Il affirme également qu’ils ne bénéficient pas directement du fonds de 11 millions USD, destiné uniquement à couvrir une éventuelle catastrophe.
Certes, des incidents comme les tirs sur un avion de la compagnie à Port-au-Prince ont entraîné une suspension des opérations, des surcoûts logistiques et une situation instable. Mais ces justifications restent insuffisantes pour une population qui n’a plus les moyens de respirer.
Un monopole controversé, soutenu politiquement ?
Des accusations graves circulent : selon HC Network, Philippe Bayard exercerait une pression sur l’exécutif, limitant l’accès au marché aérien à Sunrise Airways, et empêchant l’arrivée de compagnie comme IBC Airways, pourtant prête à opérer après des vols de test réussis. Le secteur semble verrouillé dans le cadre d’un deal opaque, relayant le sentiment d’une privatisation de l’espace aérien au détriment du citoyen.
Analyse : mobilité vitale ou privilège de luxe ?
Aspect | Observation |
---|---|
Sécurité vs accessibilité | Les vols ont repris, mais à des tarifs inaccessibles pour les Haïtiens ordinaires. |
Subvention inefficace | Malgré le fonds gouvernemental, les prix restent trop hauts. |
Concentration du pouvoir | Le monopole de Sunrise renforce l’exclusion des citoyens. |
Urgence réglementaire | L’État doit désormais réguler pour éviter une capture du transport par les élites. |
Un scandale aux coûts humains
Ce dossier dépasse les simples questions économiques. Il incarne une injustice criante : dans un pays où la mobilité terrestre est un risque mortel, l’unique échappatoire devient un luxe réservé. L’État et Sunrise Airways doivent impérativement :
- Réviser les tarifs à des niveaux réalistes.
- Garantir une transparence totale sur le fonds de 11 millions USD.
- Encourager l’arrivée de nouveaux opérateurs pour briser le monopole.
- Promouvoir l’accessibilité et la dignité, en priorité des intérêts privés.