L’Union européenne sanctionne trois chefs de gangs haïtiens : gel des avoirs et interdiction de voyager !

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Bruxelles, 15 juillet 2025 — Dans une décision forte, le Conseil de l’Union européenne a annoncé aujourd’hui l’ajout de trois chefferies de gangs pédestres à sa liste noire des sanctions ciblées, accompagné du renouvellement de son régime de mesures restrictives à l’encontre d’acteurs menaçant la paix en Haïti, prolongé jusqu’au 29 juillet 2026.

1. Qui sont ces individus visés par l’UE ?

Les noms des trois chefs visés sont :

  • Micanor Altès, à la tête du gang du Wharf Jérémie, directement impliqué dans le massacre de 207 personnes en décembre 2024.
  • Christ-Roi Chéry, leader du gang Ti Bwa, pointé du doigt pour le recrutement forcé d’enfants, des enlèvements, des homicides, ainsi que des actes de violence sexuelle et basée sur le genre.
  • Jeff Larose, figure dirigeante du gang de Canaan, accusé des mêmes crimes graves : kidnapping, homicides, violences sexuelles.

Afin de lutter contre leurs activités destructrices, l’UE leur impose un gel des avoirs et une interdiction de voyager dans l’espace européen. Toute fourniture directe ou indirecte de ressources économiques à leur bénéfice est également interdite.

2. Un dispositif juridique et historique renforcé

2.1 Les fondations : ONU et premiers dispositifs européens

Les premières sanctions contre des individus haïtiens sont adoptées après la résolution 2653 du Conseil de sécurité des Nations unies, votée le 21 octobre 2022. Elle instaure un régime comprenant un embargo sur les armes, des gels d’avoirs et des interdictions de voyage.

L’UE, de son côté, transpose ces mesures dans ses propres instruments législatifs, notamment via les règlements (UE) 2022/2309 et décision CFSP 2022/2319. En 2023, elle adopte un cadre autonome de sanctions, permettant une action indépendante et ciblée en complément du régime des Nations unies.

2.2 Déjà sanctionnés en 2024

En décembre 2024, six mois avant cette mise à jour, l’UE avait déjà sanctionné trois autres leaders : Jonel Catel (chef de Terre-Noir, affilié à la coalition G9), Gabriel Jean-Pierre (leader du collectif GPep), et Ferdens Tilus (chef du gang Kokorat San Ras). Des mesures similaires de gel des avoirs et d’interdiction de voyager avaient alors été imposées.

Pourquoi une telle intensification maintenant ?

3.1 Aggravation de la violence

La pauvreté institutionnelle de l’État haïtien, accentuée depuis l’assassinat du président Moïse en 2021, a permis aux gangs de régner sur près de 80 % de Port-au-Prince, selon les estimations de l’ONU. Des centaines de meurtres, enlèvements, viols, et actes de torture sont attribués à ces groupes armés ultra-violents.

3.2 Résistance aux précédentes sanctions ?

Ces gangs continuent d’opérer malgré les sanctions nord-américaines (Global Magnitsky, etc.) et même l’inscription sur la liste des personnes les plus recherchées, comme pour Jimmy Chérizier (Barbecue).

L’adoption d’une mesure ciblée par l’UE en juillet 2025 illustre la nécessité de multiplier les fronts pour affaiblir les réseaux criminels transnationaux.

4. Objectifs affichés de l’UE — et son engagement

Kaja Kallas, la haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères, a déclaré :

« Cette crise d’une violence explosive ne cesse de s’aggraver. Nous devons agir sur les racines du mal — les responsables de massacres et trafics d’êtres humains — pour protéger le peuple haïtien. »

En parallèle, l’engagement financier de l’UE envers Haïti se poursuit : macro-assistance, appui à l’éducation, sécurité alimentaires, appui à la PNH, et soutien pour la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS).

5. Analyse approfondie de la mesure

DimensionAnalyse approfondie
SymboliqueTrois désignations successives (2024, 2025) montrent que l’UE ne relâche pas la pression.
Stratégie juridiqueL’utilisation d’un cadre autonome permet une réaction plus rapide qu’attendre les votes à l’ONU.
Érosion des réseauxEn coupant accès aux finances et à la mobilité, l’UE vise à affaiblir la logistique des gangs.
Effet de suiviSanctionner des individus fait sens, mais sans arrestations, cela reste limité.
Impact régionalRenforce la crédibilité de l’UE dans les Caraïbes comme acteur de stabilisation.

6. Réactions régionales et implication des partenaires

La France, initiatrice de la mesure auprès des Vingt-Sept, a salué cette action comme un « signal de fermeté » adressé à ceux qui violent impunément les droits et la sécurité des citoyens.

Au niveau mondial, le Conseil de Sécurité de l’ONU a lui aussi resserré son arsenal : l’embargo sur les armes a été étendu à toutes les catégories de matériels, et la mission kényane a vu son mandat renouvelé malgré un équipement encore insuffisant.

7. Témoignages et voix citoyennes

Des groupes haïtiens de défense des droits ont exprimé l’espoir que ces sanctionnes ciblées soient suivies par des actes — condamnations, coopération judiciaire, rétablissement de la justice. Sans cela, disent-ils, seules les victimes continuent de souffrir — souvent les plus vulnérables, enrôlés de force ou pris en otage.

8. Perspectives : une paix sous conditions

8.1 À court terme

Les désignés sont isolés — économiquement et diplomatiquement. Cela crée des opportunités pour la PNH et la MMAS de reprendre le contrôle de certains territoires délaissés par les gangs affaiblis.

8.2 À moyen terme

Le plus grand enjeu reste politique : engager les acteurs haïtiens à reconstruire l’État, restaurer la sécurité, et remplacer la loi des gangs par la loi républicaine.

8.3 À long terme

Ces sanctions pourraient aussi servir de tremplin vers une architecture régionale renforcée — où l’UE, l’ONU, l’OEA, les États-Unis, et les nations caribéennes œuvrent ensemble pour stabiliser Haïti sur le long terme.

Conclusion : un pas décisif mais incomplet

L’annonce européenne du 15 juillet 2025 constitue une réponse diplomatique structurée à la dérive sécuritaire haïtienne. En ciblant trois chefs de gangs sanguinaires par des mesures efficaces — gel d’avoirs, interdiction de voyager — l’UE marque sa détermination à mettre fin à l’impunité.

Mais sans un suivi ferme, sans que Haïti ne reconstruise ses institutions — police, justice, économie — ces sanctions risquent de devenir des symboles sans changement réel. La pression internationale, conjuguée à une mobilisation nationale, sera essentielle pour transformer cette initiative en véritable retour à la paix.

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