Haiti sous le choc : Commissariat incendié à Marchand Dessalines, attaques sanglantes à Petite-Rivière

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Artibonite, juillet 2025 — Dans une nouvelle manifestation de la dérive sécuritaire qu’accuse Haïti, deux attaques ont secoué le département de l’Artibonite en quelques jours. À Marchand-Dessalines, le commissariat de police a été incendié par le gang Kokorat San Ras, provoquant la mort d’un résident et la fuite des policiers. Parallèlement, à Petite-Rivière-de-l’Artibonite, le même groupe — parfois allié à Gran Grif — intensifie ses opérations dans une zone déjà fragilisée. Plus que des faits divers, ces événements révèlent l’effondrement progressif de l’État dans des régions historiquement cruciales.

Marchand-Dessalines ciblé : un commissariat brûlé, une ville sous terreur

Aux premières heures du 17 juillet 2025, des hommes lourdement armés identifiés comme membres du gang Kokorat San Ras ont lancé une attaque coordonnée sur la ville de Marchand-Dessalines, aboutissant à l’incendie complet du commissariat de police.

Le bilan est déjà tragique : un résident, un soudeur local connu sous le surnom de « Boss Billy », a été tué lors de l’attaque. L’assaut a également contraint les rares policiers en poste — seulement trois, dont un inspecteur — à fuir les lieux.

La destruction du commissariat a été accompagnée du brûlage d’une voiture de police et de plusieurs motos garées devant le bâtiment

À Petite-Rivière, les gangs frappent fort

Cette attaque a provoqué une panique généralisée : des étudiants passant leurs examens officiels du bac ont dû fuir précipitamment, brisant tout espoir d’étudier dans des conditions sûres.

Un officiel local, Dunelson Duval, a dénoncé la passivité des forces d’Artibonite :

« L’attaque était prévisible, malgré les nombreuses requêtes pour des renforts policiers. »

Des résidents suspectent une coordination entre Kokorat San Ras et le gang Gran Grif, suggérant un plan délibéré pour soumettre la commune à une domination totale.

La commune, autrefois lieu symbolique d’Histoire — souvenir du premier empire haïtien sous Dessalines — se voit désormais menacée d’anomie et d’occupation.

Petite-Rivière-de-l’Artibonite en état de siège

Quelques jours plus tard, le 19 juillet, une attaque meurtrière est perpétrée à Kapenyen, localité proche de Petite-Rivière-de-l’Artibonite, causant au moins sept morts et plusieurs blessés. Les cadavres jonchent les rues, et la terreur persiste.

Cela survient dans un contexte de sécurité déjà brisée dans cette commune, qui a vu son commissariat détruit en octobre 2022. Des auto-défenses locales se sont mises en place, tandis que les gangs, notamment Gran Grif, pilonnent les infrastructures, enlèvent des personnes, incendient des maisons et volent le bétail — contaminant la vie agricole déjà précaire.

Analyse et causes profondes

FacteurDécryptage détaillé
Effondrement sécuritaireZones autrefois stabilisées tombant tour à tour sous le contrôle gangstériste, malgré des promesses d’intervention.
Patrimoine menacéMarchand-Dessalines, ancienne capitale, symboliquement attaquée, signe de désespoir politique et moral.
Peu ou pas de policeTrois agents pour toute une commune — l’amorce d’un vide sécuritaire exploité par les gangs.
Violence instrumentaliséeActions ciblées sur l’éducation (répression des examinateurs) et l’économie locale (vols agricoles).
Connexions inter-gangsAlliances tactiques comme entre Kokorat San Ras et Gran Grif pour étendre leur domination.
Population abandonnéeLes manifestations de solidarité (barricades citoyennes) remplacent progressivement l’État.

Contexte historique : artibonite, laboratoire de fragmentation sécuritaire

L’Artibonite a été historiquement une région contestée, entre exploit des terres et conflits armés. Des rapports des Nations Unies documentent déjà en 2022 l’attaque du commissariat de Petite-Rivière par Gran Grif, suivie de répliques dévastatrices des groupes d’autodéfense.

Des alliances stratégiques se sont formées entre gangs métropolitains (Canaan, Village de Dieu) et provinciaux (Gran Grif, Kokorat San Ras), étendant leur influence et paralysant les axes économiques, notamment la Route Nationale 1.

Des notables — comme Youri Latortue, ex-président du Sénat — ont été sanctionnés par les États-Unis et le Canada pour sponsoring de gangs, soulignant une dérive institutionnelle profonde.

Impacts sociétaux : déplacement, faim, terrorisme rural

Les attaques ont provoqué des vagues de déplacements forcés, contribuant à une crise humanitaire silencieuse. Les attaques contre les infrastructures agricoles privent les fermiers de leurs moyens de subsistance, menaçant la sécurité alimentaire de toute la région.

Les barricades citoyennes se multiplient, mais sans appui étatique, elles sont dérisoires face à des gangs lourdement armés et organisés.

Ce que l’État et la communauté internationale doivent faire

Pour inverser cette spirale, plusieurs pistes s’imposent :

  • Renforcement immédiat de la PNH, avec déploiement massif et protection des commissariats.
  • Formation de groupes d’autodéfense locaux, sous supervision démocratique, pour reconquérir le contrôle.
  • Assistance internationale : soutien logistique, financement de la relance agricole, sécurité alimentaire.
  • Justice, poursuites et démantèlement de réseaux gangstéristes, y compris leurs piliers politiques.
  • Réhabilitation scolaire, pour relancer les examens et rétablir un semblant de normalité citoyenne.

Conclusion : un drame qui devrait réveiller le pays

Les incendies, les morts, l’ombre des gangs — tout cela constitue un signal d’alarme : l’État a déserté des pans entiers du pays. Marchand-Dessalines et Petite-Rivière ne sont pas que des lieux attaqués ; ce sont des parties d’une nation en état de siège.

Mais ce drame peut aussi créer une opportunité d’union nationale — autour de la reconstruction, de l’éducation, de la justice et de la paix. La route sera longue, mais la résistance du peuple mérite qu’on se relève.

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