Lascahobas, département du Centre, Haïti, août 2025 — Le calme relatif de cette commune agricole est devenu un lointain souvenir. Depuis plusieurs semaines, des gangs armés — appartenant à la coalition Viv Ansanm — ont pris le contrôle de zones stratégiques, semant un climat de peur qui contraint la population à fuir. Pire : des véhicules de la police nationale ont été volés et la légitimité de l’État est ébranlée.
Des attaques ciblées et violentes
Le jeudi 3 juillet 2025, Viv Ansanm a lancé une offensive dévastatrice sur Sarazin, Desvarieux, et le centre-ville de Lascahobas. Le bilan s’est soldé par un policier tué, un autre blessé, et deux agents de la Brigade de Sécurité des Aires Protégées (BSAP) enlevés par les criminels.
Cette violence a provoqué l’interruption des examens officiels de 9e année dans toute la commune : enseignants, élèves, et leurs familles ont dû s’échapper en catastrophe, certains à pied, d’autres en voiture.
Lascahobassien·nes en fuite : une stratégie de terreur
Des témoignages relatent des scènes de panique généralisée : habitants abandonnant leurs maisons, précipitation vers les routes, menaçant de transformer la commune en un champ de ruines humains. Ces déplacements forcés ne relèvent pas de conséquences collatérales, mais bien d’une stratégie planifiée des gangs pour asservir des territoires.
BSAP vs police : institutions publiques cooptées
La complicité du BSAP est l’un des aspects les plus percutants de ce drame. Des vidéos montrent des membres du BSAP, censés protéger les espaces naturels, violentant un policier menotté — symbolisant une structure dévoyée et pervertie.
Le lien, souvent suspect, entre ces agents et les gangs tels que 400 Mawozo ou la bande de Jeff Canaan est dénoncé par les habitants. Des maisons de fonction seraient situées à l’entrée du bassin de vie, refuge pour ces agents protégés par les autorités locales.
Expansion des gangs hors Port-au-Prince
Cette prise de contrôle à Lascahobas s’inscrit dans une stratégie plus large. Après avoir conquis Port-au-Prince, des groupes comme Viv Ansanm, 400 Mawozo, et Gran Grif étendent leur présence vers le Centre, ouvrant des voies vers Belladère, un carrefour douanier essentiel à la frontière dominicaine.
Séquestration de policiers et retrait de l’État
Les forces de l’ordre légitimes se retrouvent impuissantes : agents tués ou blessés, unités capturées, commissariats menacés. Les instigateurs contrôlent désormais les routes, brûlent les véhicules officiels et réduisent l’État à l’impuissance.
Réaction internationale : déplacement, crise humanitaire
Cette situation s’inscrit dans un contexte national de déplacement massif : plus de 1,3 million de déplacé·e·s internes en Haïti sont recensés début 2025, un évènement poussé par la stratégie des gangs visant à dominer socialement et territorialement.
Analyse approfondie
Enjeu | Analyse |
---|---|
Affaiblissement de l’État | L’inaction des institutions accrédite l’éviction des représentants de l’ordre. |
Trauma de déplacement | Déplacements forcés généralisés préparent un contrôle social durable et violent. |
Complicité institutionnelle | Le BSAP illustre comment la ligne entre ordre et criminalité est désormais floue. |
Menace régionale | Lascahobas pourrait devenir une plateforme militaire pour l’expansion des gangs. |
Besoin de reprise locale | Seule une stratégie d’intervention nationale ciblée — combinée aux forces de sécurité et à la justice — peut inverser la dérive. |
Témoignage
« On a tout laissé derrière, nos maisons, nos vies. L’État a disparu. Nous sommes seuls désormais. »
Une habitante de Sarazin, évacuée en pleine nuit.
Conclusion : Lascahobas, poumon malade d’un État essoufflé
Lascahobas n’est pas simplement victime : elle est le miroir d’Haïti tout entier, où les institutions s’effondrent, les réseaux criminels s’installent en lieu et place de l’État, et les citoyens restent seuls face à la brutalité. Pour éviter que d’autres communes ne tombent dans l’abîme, il est urgent :
- De renforcer la PNH et la mission multinationale MSS dans le Centre.
- De démanteler les complicités autour du BSAP.
- De protéger les déplacé·e·s et restaurer les services publics.
- D’envoyer un message clair : l’État n’abandonne aucune commune, ne collabore avec aucun gang.