L’hôtel Oloffson brûlé : Un symbole d’Haïti détruit sous le silence coupable des autorités

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Port-au-Prince, juillet 2025 — C’est « un acte criminel d’une violence indicible » qu’a condamné le gouvernement, après qu’une coalition de gangs armés a incendié l’Hôtel Oloffson, joyau patrimonial du centre-ville. Ce massacre symbolique n’est pas seulement la destruction d’un bâtiment : c’est l’embrasement d’un pan entier de l’âme haïtienne.

Une flamme sur la mémoire

Le 5 juillet, au cœur de Carrefour-Feuilles, un quartier déjà ravagé par la violence gangstériste, les flammes ont englouti le bâtiment classé. L’Hôtel Oloffson n’était pas une simple bâtisse, mais un joyau architectural en bois néo-gothique, orné de dentelles en bois et de tourelles élégantes — figure emblématique du style « gingerbread » haïtien.

Un localisé a déclaré avoir vu les flammes jaillir alors qu’un échange de tirs entre policiers et gangs faisait rage à proximité, forçant les habitants à fuir sous les balles.

Patrimoine culturel en flammes

Depuis sa reconstruction dans les années 1930 par un capitaine suédois, l’Hôtel Oloffson a accueilli des figures emblématiques — de Jackie Onassis à Mick Jagger, de Graham Greene à Richard Burton. Il fut aussi un refuge pour les artistes haïtiens, notamment via les concerts légendaires de RAM, le groupe dirigé par son gestionnaire Richard Morse.

Pour beaucoup, le feu ne détruit pas seulement des murs mais aussi des souvenirs. Comme l’a envahi un sentiment de perte, un historien haïtien évoquait avoir l’habitude de s’y arrêter après deux ou trois bières, trouvant là un doux chez-soi. The Guardian

Une tragédie symbolique

Aux yeux des Haïtiennes et Haïtiens, l’incendie de l’Oloffson incarne une rupture : un symbole de paix et de mémoire transformé en ruine. L’architecte Daniel Elie déplore la disparition d’un espace qui incarnait les racines culturelles d’Haïti, lieu de la mouvance indigéniste.

Pour d’autres, comme Michael Deibert, auteur et expert de la crise, le lieu était une passerelle entre l’histoire politique haïtienne et sa culture vivante — une perte personnelle et nationale.

La violence gangstériste à l’assaut du patrimoine

Des témoins rapportent que Viv Ansanm, coalition de gangs, avait pris le contrôle du quartier déjà depuis avril, contraignant le personnel à fuir. Quelques mois plus tard, ils ont mis le feu au précieux monument, carrefour du tourisme, de la littérature et du vaudou-rock.

Une série d’attaques coordonnés aura détruit plusieurs édifices patrimoniaux, une stratégie visiblement ciblée pour effacer les symboles de cohésion nationale.

Une réponse timide à la hauteur de la tragédie ?

Le gouvernement a qualifié l’incendie d’« acte intolérable » et appelé à l’unité nationale — tout en dénonçant la destruction d’une « partie de notre âme ».

Mais cette réaction peine à masquer l’absence de mesures structurelles : l’État, paralysé par l’insécurité et manquant de contrôle, est impuissant sur le terrain.

Résilience culturelle : le Centre d’Art sauvée des flammes

Comme si le destin culturel de Port-au-Prince tenait à se renouveler, la police haïtienne a mené une opération héroïque peu après pour sauver des milliers d’œuvres du Centre d’Art, menacées par les mêmes gangs. Œuvres de Hyppolite, Obin, Liautaud — symboles de la mémoire artistique nationale — ont été mises à l’abri à l’abri sous les balles.

Analyse : une rupture accélérée avec le passé

ThèmeEnjeu
Destruction de la mémoireLa perte d’un lieu de convergence historique et culturel.
Insécurité croissanteLes gangs n’épargnent plus rien, même pas les symboles.
Échec institutionnelL’État est dépassé, incapable de protéger ni les vies ni le patrimoine.
Résilience affirméeLe sauvetage du Centre d’Art montre qu’un espoir culturel demeure.
Appel internationalDes voix comme la Barbade plaident désormais pour une aide concrète. (The Guardian)

Voix et mémorial

Richard Morse, qui gérait l’hôtel depuis 1987, est dévasté :

« Ce n’est pas seulement une entreprise, c’est notre chez-nous. Nous y avons grandi.« 

Richard Morse

À l’étranger, les dirigeants caribéens lancent des appels émouvants : la Première ministre de la Barbade, Mia Mottley, invite la communauté internationale à passer des promesses à l’action.

Conclusion : entre ruine et renaissance

L’incendie de l’Hôtel Oloffson représente bien plus qu’une perte matérielle — il est un signal d’alarme sur la disparition d’un espace de liberté, et sur l’urgence de la préservation culturelle en période de chaos.

Pour ne pas laisser cette destruction être une page finale, Haïti doit prendre garde : restaurer, protéger et soutenir des institutions comme le Centre d’Art, véritable coffre-fort de ses identités.

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